mwanamayi

LE PRÉSIDENT F. F. DE LA IIIe CHAMBRE, Vu la requête introduite le 2 avril 2012 par X, en son nom personnel et au nom de ses enfants mineurs, X et X, tous de nationalité rwandaise, tendant à l’annulation de la décision de rejet de sa demande d’autorisation de séjour en application de l’article 9ter de la loi du 15 décembre 1980, prise le 17 février 2012. Vu le titre Ier bis, chapitre 2, section IV, sous-section 2, de la loi du 15 décembre 1980 sur l’accès au territoire, le séjour, l’établissement et l’éloignement des étrangers, dite ci-après « la Loi ». Vu la note d’observations et le dossier administratif. Vu le mémoire de synthèse. Vu l’arrêt interlocutoire n° X du 30 janvier 2014. Vu l’ordonnance du 21 mars 2014 convoquant les parties à l’audience du 15 avril 2014. Entendu, en son rapport, Mme M.-L. YA MUTWALE, juge au contentieux des étrangers. Entendu, en leurs observations, Me J. CIKURU MWANAMAYI, avocat, qui assiste la partie requérante et Me N. SCHYNTS loco Me D. MATRAY et S. CORNELIS, avocat, qui comparaît pour la partie défenderesse. APRES EN AVOIR DELIBERE, REND L’ARRET SUIVANT : 1. Faits et procédure. 1.1.1. A l’audience du 12 novembre 2013, Me P. NGENZEBUHORO a fait part au Conseil qu’il n’était pas au courant de l’existence du recours qui a été introduit par Me J. CIKURU MWANAMAYI à son insu. A la demande du Conseil, une déclaration écrite a été rédigée à cet égard par Me P. NGENZEBUHORO. CCE X – Page 2 Interrogé sur les déclarations de son confrère, Me J. CIKURU MWANAMAYI a déclaré, quant à lui, avoir toujours agi de la sorte et que c’est une erreur de sa part de ne pas avoir averti Me P. NGENZEBUHORO quant à l’introduction du recours. Il a ajouté qu’étant avocat inscrit sur la liste B, il pouvait « personnellement » introduire des recours devant le Conseil. En outre, interrogé sur l’usurpation du nom d’un confrère, il a déclaré que plusieurs recours avaient été introduits de cette manière. 1.1.2. Le Conseil s’est dès lors interrogé non seulement sur la régularité de la présence de Me J. CIKURU MWANAMAYI à la barre, mais encore sur la régularité de son attitude envers son confrère, ainsi que sur la recevabilité du recours introduit par Me CIKURU. Par un arrêt n° 117.881 du 30 janvier 2014, le Conseil a sollicité de Me J. CIKURU MWANAMAYI de lui adresser les éléments de preuve permettant d’attester qu’il remplit les conditions de l’article 39/56 de la Loi. 1.1.3. Par un courrier du 6 février 2014, Me J. CIKURU MWANAMAYI a transmis au Conseil une série de documents, notamment : – Un courrier du Secrétariat de l’Ordre français des Avocats du Barreau de Bruxelles, mentionnant que ce dernier est inscrit sur la liste des membres associés du barreau de Bruxelles, communément appelé « liste B» ; – Un document fixant le montant de la cotisation à l’Ordre ; – Le formulaire de désignation du Bureau d’Aide juridique, désignation faite au nom de Me NGENZEBUHORO P. ; – Un courrier du Bâtonnier de l’Ordre français des Avocats du Barreau de Bruxelles, du 3 mai 2011 mentionnant expressis verbis ce qui suit : « …vous souhaitez en effet qu’une carte professionnelle vous soit délivrée, vous permettant d’accéder à la prison et aux centres fermés. Je ne puis réserver de suite utile à votre demande. En effet, en sollicitant votre inscription sur « la liste B» vous vous êtes engagé « de ne pratiquer le droit belge que dans les conditions suivantes : o A) sauf pour des questions strictement incidentes, il devra s’entourer des conseils d’un avocat inscrit au tableau ou d’un stagiaire ayant au moins un an d’ancienneté et ayant suivi avec succès les cours de formation professionnelle ou d’un avocat ayant les mêmes qualifications et membre d’un autre barreau belge… : Il en résulte que vous ne pouvez donc vous rendre seul à la prison et que vous ne pouvez pas plus d’ailleurs traiter, seul , les matières du droit pénal ou du droit des étrangers ». 1.2. A l’audience du 15 avril 2014, le Conseil a interrogé Me CIKURU quant à la portée de l’article 39/56 de la loi 15 décembre 1980 sur l’accès au territoire, le séjour, l’établissement et l’éloignement des étrangers. Me CIKURU a invoqué l’article 428 du Code Judiciaire et a prétendu qu’en sa qualité d’avocat, il lui est loisible de plaider et de comparaitre devant le Conseil de céans comme tout avocat « normal ». Il a fait valoir que dans le cas contraire, le Conseil mettrait en doute sa qualité d’avocat . 2. Recevabilité du recours. 2.1. En l’espèce, le Conseil est amené à sa prononcer sur la recevabilité du présent recours, en tant qu’il est introduit par Me CIKURU, en sa qualité d’avocat membre de barreaux étrangers associés. 2.2. Les textes et règlements d’application. 2.2.1. Le code judiciaire. En matière d’exercice de la profession d’avocat, il y a lieu de se référer au code judiciaire qui prévoit, dans sa deuxième partie, les dispositions relatives à l’organisation judiciaire et dans son livre III, les règles relatives au barreau. CCE X – Page 3 Ainsi, l’article 428 du code judiciaire prévoit que : Nul ne peut porter le titre d’avocat ni en exercer la profession s’il n’est Belge ou ressortissant d’un état membre de l’Union européenne, porteur du diplôme de docteur ou de licencié en droit, s’il n’a prêté le serment visé à l’article 429 et s’il n’est inscrit au tableau de l’Ordre ou sur la liste des stagiaires. Il peut être dérogé à la condition de nationalité dans les cas déterminés par le Roi, sur l’avis de l’Ordre des barreaux francophones et germanophone et de l’Orde van Vlaamse balies . Sauf les dérogations prévues par la loi, aucune qualification complémentaire ne peut être ajoutée au titre d’avocat. L’article 431 du même code mentionne que « L’Ordre des avocats est composé des avocats inscrits au tableau , à la liste des avocats qui exercent leur profession sous le titre professionnel d’un autre Etat membre de l’Union européenne ou à la liste des stagiaires. Il a la personnalité juridique. » L’article 432 du Code judiciaire dispose quant à lui que « Les inscriptions au tableau, à la liste des avocats qui exercent leur profession sous le titre professionnel d’un autre Etat membre de l’Union européenne et au stage sont décidées par le conseil de l’Ordre, maître du tableau, de la liste précitée et de la liste des stagiaires ». L’article 440 du Code judiciaire dispose que « Devant toutes les juridictions, sauf les exceptions prévues par la loi, seuls les avocats ont le droit de plaider. L’avocat comparaît comme fondé de pouvoirs sans avoir à justifier d’aucune procuration, sauf lorsque la loi exige un mandat spécial ». Le titre premier bis du code judiciaire prévoit les dispositions applicables à l’exercice en Belgique de la profession d’avocat par des avocats ressortissants d’un Etat membre. 2.2.2. L’ordre des Avocats La loi impose aux avocats d’adhérer à une institution publique autonome appelée “Ordre”, qui regroupe, par arrondissement judiciaire, les avocats inscrits : • au tableau • à la liste des stagiaires. A Bruxelles, l’Ordre comprend en plus : • les membres de barreaux étrangers associés ( liste B) • les membres de barreaux européens établis à Bruxelles ( liste E). Par liste B, il y a lieu d’entendre les avocats de plein exercice, soit qui ne sont pas ressortissants d’un Etat membre de l’Union européenne, soit qui sont ressortissants communautaires, mais qui ne sont pas habilités à exercer leur profession dans un Etat membre de l’Union européenne. L’article 115 du règlement d’ordre intérieur de l ‘ordre Français des avocats du Barreau de Bruxelles mentionne notamment que : « L’inscription à la liste des membres associés du barreau de Bruxelles est ouverte à tous les membres de barreaux étrangers établis à Bruxelles qui ne satisfont pas aux conditions requises pour l’inscription au tableau, à la liste visée à l’article 112 ou à la liste des stagiaires, et qui entrent dans l’une des deux catégories suivantes : 1° cette inscription est obligatoire pour tous les avocats visés au présent article qui, en vertu de la convention d’établissement avec l’autorité compétente de l’Etat d’origine ou avec l’autorisation du conseil de l’Ordre, ont conclu ou souhaitent conclure soit des conventions organisant l’exercice en commun de la profession d’avocat soit des conventions de collaboration avec des avocats inscrits au tableau, à la liste visée à l’article 112 ou à la liste des stagiaires ; 2° pour autant qu’une convention d’établissement avec l’autorité compétente de l’Etat d’origine le prévoie, peuvent également s’inscrire à cette liste tous les avocats visés au présent article qui, sans souhaiter conclure des conventions organisant l’exercice en commun de la profession d’avocat ou des conventions de collaboration avec des avocats inscrits au tableau, à la liste visée à l’article 112 ou à la liste des stagiaires, souhaitent être autorisés à pratiquer indirectement le droit belge dans les conditions prévues à l’article 116, 6°; CCE X – Page 4 L’article 116 du règlement d’ordre intérieur de l‘ordre Français des avocats du Barreau de Bruxelles dispose notamment que « L’inscription à la liste visée à l’article 115 est décidée par le conseil de l’ Ordre qui vérifie notamment : […] 6° la signature par l’intéressé d’un engagement de ne pratiquer le droit belge que dans les conditions suivantes : a) sauf pour des questions strictement incidentes, il devra s’entourer des conseils d’un avocat inscrit au tableau ou d’un stagiaire ayant au moins un an d’ancienneté et ayant suivi avec succès les cours de formation professionnelle, ou d’un avocat ayant les mêmes qualifications et membre d’un autre barreau belge ; b) il devra identifier la source de la consultation visée au littéra précédent soit sur son papier à lettres, soit par la signature ou la signature conjointe des avis donnés, dans les conditions prévues, le cas échéant, par la convention d’établissement avec l’autorité compétente de l’Etat d’origine ; 7° la signature par l’intéressé d’un engagement de se soumettre, pour l’exercice de son activité en Belgique, à la discipline et aux règlements et décisions de l’Ordre, sous réserve des procédures et règles dérogatoires prévues, le cas échéant, par la convention d’établissement conclue avec l’autorité compétente de l’Etat d’origine ; […] ». La pratique du droit belge étant très encadrée pour les membres associés du Barreau de Bruxelles, les membres associés doivent faire mention de l’avocat tel que défini ci-dessus, lui ayant apporté ses conseils. En principe, ce dernier appose conjointement sa signature sur les consultations ( nous soulignons) qu’ils ont élaborées en droit belge ou devra être identifié comme la source de la consultation donnée, étant entendu que rien ne limite l’activité professionnelle d’un membre associé du barreau de Bruxelles en droit communautaire ou en droit étranger. Par son inscription à la liste des membres associés du barreau de Bruxelles, l’avocat étranger s’engage à se soumettre, pour l’exercice de son activité en Belgique, à la discipline et aux règlements et décisions de l’Ordre, sous réserve des procédures et règles dérogatoires prévues, le cas échéant, par la convention qu’aurait conclue le barreau de Bruxelles avec son barreau d’origine. Le Conseil estime sur base de ces textes, que seuls les avocats inscrits au tableau de l’ordre, les avocats stagiaires et les avocats qui exercent leur profession sous le titre professionnel d’un autre état membre de l’Union européenne sont habilités à prester, à plaider devant les juridictions belges. ( voir en ce sens ordonnance du tribunal du tribunal de Luxembourg du 24 février 2000, dans l’affaire T-37/98, Foreign Trade Association (FTA) e.a. contre Conseil de l’Union européenne. Recours en annulation – Requête signée par un avocat non habilité à exercer devant une juridiction d’un État membre ou d’un État partie à l’accord sur l’Espace économique européen – Irrecevabilité. ) 2.2.3. La loi du 15 décembre 1980. L’article 39/56 de la loi du 15 décembre 1980 dispose que : « Les recours visés à l’article 39/2 peuvent être portés devant le Conseil par l’étranger justifiant d’une lésion ou d’un intérêt. Le Ministre ou son délégué peut introduire un recours à l’encontre d’une décision du Commissaire général aux réfugiés et aux apatrides, s’il l’estime contraire à la loi ou aux arrêtés royaux qui y sont afférents. Les parties peuvent se faire représenter ou assister par des avocats inscrits au tableau de l’Ordre des Avocats ou sur la liste des stagiaires ainsi que, selon les dispositions du Code judiciaire, par les ressortissants d’un Etat membre de l’Union européenne qui sont habilités à exercer la profession d’avocat. Sans préjudice de cette possibilité, lorsqu’un recours est introduit contre une décision du Commissaire général aux réfugiés et aux apatrides, cette partie est représentée par le Commissaire général aux réfugiés et aux apatrides, par un des adjoints ou par un délégué que le Commissaire général désigne à cette fin. CCE X – Page 5 L’article 39/69, § 1er , de la loi du 15 décembre mentionne que « : La requête est signée par la partie ou par un avocat qui satisfait aux conditions fixées dans l’article 39/56 […] ». Il en découle que la requête doit être signée par une personne habilitée à représenter le requérant. 3. Appréciation du Conseil. De ce qui précède, le Conseil observe que Me. CIKURU ne démontre pas qu’il rentre dans les conditions fixées par l’article 39/56 précité, à savoir soit être inscrit au tableau ( ce qui est différent de l’appartenance à l’Ordre des avocats), soit être stagiaire ou encore être ressortissant d’un Etat membre de l’Union européenne qui est habilité à exercer la profession d’avocat. Le Conseil estime en effet que seul un avocat habilité peut accomplir valablement les actes de procédure devant le Conseil de céans pour le compte des parties, ce que Me. CIKURU ne démontre nullement. Il en est d’autant plus ainsi qu’en l’espèce, le Conseil observe que la requête introductive d’instance ne porte que le seul nom de NGENZEBUHORO Pascal, Avocat, suivi d’un paraphe précédé de la mention « loco », sans qu’il ne soit possible de déterminer l’auteur dudit paraphe. Dès lors, la requête n’étant pas conforme aux exigences découlant de l’article 39/69 de la Loi, lu en combinaison avec l’article 39/56 de la même loi, le recours doit être considéré comme irrecevable, sans qu’il y ait lieu de statuer sur les moyens de la requête. PAR CES MOTIFS, LE CONSEIL DU CONTENTIEUX DES ETRANGERS DECIDE : Article unique. La requête en annulation est rejetée Ainsi prononcé à Bruxelles, en audience publique de la IIIe chambre, le 8 mai deux mille quatorze par : Mme M.-L. YA MUTWALE, Président F.F., juge au contentieux des étrangers, M. F. BOLA, greffier assumé. Le greffier, Le président, F. BOLA M.-L. YA MUTWALE